La princesse et le croque-note
Jadis, au lieu du jardin que voici
C'était la zone et tout ce qui s'ensuit
Des masures, des taudis insolites
Des ruines pas Romaines pour un sou
Quant à la faune habitant là-dessous
C'était la fine fleur, c'était l'élite
La fine fleur, l'élite du pavé
Des besogneux, des gueux, des réprouvés
Des mendiants rivalisant de tares
Des chevaux de retour, des propres-à-rien
Ainsi qu'un croque-notes, un musicien
Une épave accrochée à sa guitare
Adoptée par ce beau monde attendri
Une petite fée avait fleuri
Au milieu de toute cette bassesse
Comme on l'avait trouvée près du ruisseau
Abandonnée en un somptueux berceau
À tout hasard on l'appelait "princesse"
Or, un soir, Dieu du ciel, protégez-nous
La voilà qui monte sur les genoux
Du croque-notes et doucement soupire
En rougissant quand même un petit peu
C'est toi que j'aime et, si tu veux, tu peux
M'embrasser sur la bouche et même pire
Tout beau, princesse arrête un peu ton tir
J'ai pas tellement l'étoffe du satyre
Tu as treize ans, j'en ai trente
Qui sonnent
Grosse différence et je ne suis pas chaud
Pour tâter d'la paille humide du cachot
Mais, Croque-notes, j'dirai rien à personne
N'insiste pas, fit-il d'un ton railleur
D'abord, tu n'es pas mon genre, et d'ailleurs
Mon cœur est déjà pris par une grande
Alors Princesse est partie en courant
Alors Princesse est partie en pleurant
Chagrine qu'on ait boudé son offrande
Y a pas eu détournement de mineure
Le croque-notes, au matin, de bonne heure
À l'anglaise a filé dans la charrette
Des chiffonniers en grattant sa guitare
Passant par là, quelques vingt ans plus tard
Il a le sentiment qu'il le regrette