Les immigrés
Dans la chaleur pesante
De la salle d'attente,
A Lausanne, une nuit,
Ils sont là, vingt ou trente,
Qui somnolent ou qui chantent
Pour passer leur ennui.
Ils ne parlent pas mon langage,
Viennent d'Espagne ou d'Italie,
C'est pas par plaisir qu'ils voyagent.
Ils ont, dans leur valise,
Un trésor: trois chemises,
Un pantalon usé.
Dehors, le froid, la bise
Râclent la pierre grise
Et le goudron du quai.
Ils viennent bâtir nos barrages,
Nos ponts, nos autoroutes aussi,
C'est pas par plaisir qu'ils voyagent.
Leur maison, leur famille,
Leurs garçons et leurs filles,
Ils ont dû les laisser:
C'est la loi qui le dit,
Paraît qu' dans mon pays
Il y a trop d'étrangers.
Leur faudra du coeur à l'ouvrage
Et puis apprendre à dire oui,
C'est pas par plaisir qu'ils voyagent.
Ce qu'ils sont, ce qu'ils pensent,
Ça n'a pas d'importance,
On ne veut que leurs bras.
Et tout ça est normal,
Et tout ça me fait mal,
Ça se passe chez moi.
Ils retrouveront leur village
Quand on n' voudra plus d'eux ici,
C'est pas par plaisir qu'ils voyagent,
C'est pas par plaisir qu'ils voyagent!