Le téléphone
Si je hais le téléphone
C'est la faute à Edison,
Et si j' te perds un peu, ma belle,
C'est la faute à Graham Bell.
J'aime te dire avec les yeux,
Avec la bouche, avec les mains,
De ces choses qui s'expriment mieux
Quand on s' caresse et qu'on n' dit rien.
Tu sais le langage des cils,
Je comprends les pressions du pied,
Mais le téléphone imbécile
Nous condamne à bavarder.
Si je hais le téléphone
C'est la faute à Edison,
Et si j' te perds un peu, ma belle,
C'est la faute à Graham Bell.
Ma voix volant comme le vent
A travers le cuivre rêveur
Vient s'arrêter exactement
Au creux de ton oreille fleur.
Arrive-t-elle au bon moment,
Et n'es-tu pas trop occupée
Par quelqu' autre de tes amants,
Ou par le linge à tremper?
Si je hais le téléphone
C'est la faute à Edison,
Et si j' te perds un peu, ma belle,
C'est la faute à Graham Bell.
Sais-tu qu'il y a parfois des soirs
Où, par un tortueux caprice
Du sélecteur ou du standard,
Je n'atteins que l'opératrice.
A-t-on le droit, honnêtement,
De me priver de ta voix lisse
A cause d'un aimant dément
Ou du vice d'une vis?
Je me pendrai au téléphone,
Ça s'ra la faute à Edison,
Et tu m'auras perdu, ma belle,
Ça s'ra la faute à Graham Bell!