Faubourg de Buenos Aires
C'est un faubourg de Buenos Aires,
Décor de planches et de tonneaux,
Les enfants jouent sur la poussière,
Dans le soir passent des oiseaux.
On ne reverra plus le père:
Des messieurs sont venus tantôt,
Crâne rasé, gueule sévère,
L'ont emmené dans une auto.
C'est un faubourg de Buenos Aires,
Les yeux lavés par les sanglots,
Le dos courbé par la misère,
Des femmes vont chercher de l'eau.
Dans la prison, les militaires,
Des suppliciés, brisent les os.
La chair éclate sous le fer,
Le sang gicle sur les carreaux.
C'est un faubourg de Buenos Aires,
La nuit sera noire bientôt.
Les mots sont cachés dans les pierres,
La peur habite les cerveaux.
Dans leurs palais, dans leurs repaires,
Comment s'endorment les bourreaux?
C'est à l'autre bout de la Terre,
"Tout est calme", dit la radio.