32 Décembre Partie II

"Je mesurais les cieux, je mesure maintenant les ombres de la Terre.
L'esprit était céleste. Ci-gît l'ombre du corps."

L'étreinte intemporelle du souffle glacé d'un incube paralyse mes songes.
En apesanteur dans ce givre oppressant, plus rien ne m'atteint tant que la machine tient.

La fresque horrible de l'insaisissable Mathilde emporte tous mes rêves dans son sillage.
Son chef-d'œuvre abstrait sur les murs du navire, son plus noir tableau cloué à mon cœur.

Le hurlement de son arme déchire encore mes tympans.
Son sourire éventré, son crâne fracassé.
Ce qu'il reste de Mathilde n'a jamais été aussi laid.
Son corps, à l'image de ce qu'elle cachait.
Froide, les lèvres cyanosées, à jamais figée, ses yeux rougis du sang qu'elle a pleuré.

La brume se dissipe et laisse transparaître des lumières lointaines.
On discerne le chant des sirènes.
Pas à pas, je m'approche.

Marche après marche, vers la lumière.
J'avais oublié la sensation du vent.
Ici, il neige toujours, comme si l'hiver s'éternisait.

Les sirènes m'embrassent et prennent ma liberté.
Mon vaisseau est détruit, mon voyage terminé.
Je suis parti longtemps, je ne suis allé nulle part.
Au moins, j'ai pu revoir le Soleil.

Mon cœur brisé est libre, aucune Mathilde ne le détient.
Longue vie à mes rêves.
Saisissez-vous de mon corps.

Adieu Mathilde, mon étoile, j'ai fini par te perdre.
Sache que tes restes, le vent les portera.
J'ai perdu ma place dans ce monde et j'en ai assez de vivre.

Envole-toi tranquillement, je dois attendre quelques années.
Je me souviens de ce froid qui nous berce.
On s'est laissés emporter dans un 32 décembre, cet hiver si long où tout nous appartient.

Cet hiver si long où tout nous appartient.