LETTRES A MILENA
Il disait vous avez
Sans doute mieux à faire
Que de lire je le sais
Mes lettres ordinaires
Vous avez, il est vrai,
Mieux à faire de vos nuits
Que de lire sans arrêt
Mon visage qui s'écrit
Mais permettez, madame,
Cet aveu déchirant,
Je suis sous votre charme
Comme un petit enfant.
Il disait dites-moi
Au moins « tu » une fois
Alors je serai comme
Le plus heureux des hommes.
Dans cette intimité
Seule connue de vous,
Vos lèvres de papier
Sauront me rendre fou.
Si le sommeil me fuit
Si j'ai peur de dormir
C'est qu'au fond de mon lit
C'est la mort qui soupire.
Il disait : arrêtez
De m'écrire chaque jour
Ce que vous me donnez
Pour moi est bien trop lourd.
Chaque mot que je trace,
Chaque mot que je lis
Porte en lui la menace
De rester incompris.
Vos lettres me font peur.
Leur bonté m'exaspère.
Vos rêves de bonheur
Sont des fruits trop amers.
Il disait c'est ainsi
Je ne sais pas y faire
J'aurai vécu ma vie
Comme un célibataire.
Permettez-moi, madame,
De me taire aujourd'hui.
Je vous laisse mon âme.
Et je reprends mes nuits.