La centenaire
Faucheuse, je t'attends, je suis lasse de vivre
Ma tête ne sait plus où l'emmènent mes pieds
Vois ma peau se dessèche, on dirait du papier
Les signes qu'on y lit font un bien triste livre
Mon dos m'oblige à faire une étrange courbette
Et je ne marche qu'en regardant vers le bas
Faucheuse, je m'ennuie ! Mais puisque te voilà
Voudrais-tu pas m'aider à chercher mes lunettes ?
Des amis que j'aimais, il n'y a plus de traces
Et mes vieux soupirants ne sont que souvenirs
Faucheuse, entends ma voix, tu tardes à venir
Et le peu de raison qui me reste s'efface
Mais tu me fais languir, quoi ! Tu m'oublies peut-être !
Quand j'aspire à ne plus jamais me réveiller !
Voudrais-tu s'il te plaît monter cet oreiller
Éteindre la lumière et pousser la fenêtre ?
Je n'ai plus d'appétit, à peine je grignote
Et je fais grise mine aux plus appétissants
Des fruits de mon jardin, vois, plus rien ne descend
Le long de mon gosier, rien ne me réconforte
Encore, si je buvais ! Veux-tu que je te dise ?
Faucheuse, le meilleur des vins me reste là
Rien ne me fait envie ! Vois-tu ces chocolats ?
Donne-les, j'ai besoin de quelque friandise
Faucheuse, je le vois, loin de me chercher noise
Tu me fais la vie douce et viens pour me servir
Et même si j'osais, je dirais sans mentir
Qu'en te montrant serviable, au fond, tu m'apprivoises
Mais allons jusqu'au bout, puisque tu me dorlotes
Et je patienterai pour peu qu'à mon chevet
Tu fasses revenir deux amis que j'avais
Et t'asseyes avec nous, pour faire une belote