Maudits anglois
Preux chevalier, qu'as-tu fait de ta belle?
Je l'ai confiée aux bons soins de ma mère
Pourquoi as-tu quitté ta Terre-Mère?
Je suis parti pourfendre les Anglois
Que les Anglois t'ont fait que tu ne voudrois les perdre?
Ils m'ont donné l'angoisse du trépas
Comment est née une angoisse si vaine?
Cette angoisse est née à cause des Anglois
C'était l'époque où le monde était un mythe
Rеcouvert de forêts habitées par dеs druides et des esprits
On entendait de très loin les fracas de la mer
Qui séparait la France de la vieille Angleterre
Dans le comté de Blois, on portait des sabots
Et l'Anglois était à la source de tous nos maux
Épidémies, guerres, pluie, hiver
Les mauvais vents provenaient souvent d'Angleterre
Par la grâce du ciel, de la terre et des eaux dont tu es le roi
Ô Tout Puissant, donne force à nos bras!
Par ta grâce éternelle et par la lumière de ton éclat
Ô Tout Puissant, donne force à nos bras!
Cette année-là, il plut pendant trente et six semaines
La bouffe était dégueu, nos femmes étaient vilaines
Tout nous portait à croire, évidence fait loi
À la malverserie de ces maudits Anglois
Nous fîmes sans tarder un conseil de sages
Dans un manoir secret dont j'avais l'héritage
Or, après maintes et maintes goulées de gros pif
L'un de nous s'écria "Sus aux rosbifs!"
Et nous partîmes aux heures les plus intimes de la nuit
À l'heure où les plus vaillants se sont endormis
Quand la forêt regorge de chiens-loups
Et que la brume rend la lune floue
Par la grâce du ciel, de la terre et des eaux dont tu es le roi
Ô Tout Puissant, donne force à nos bras!
Par ta grâce éternelle et par la lumière de ton éclat
Ô Tout Puissant, donne force à nos bras!
Mais trop peu de viatique avait été prévisionné
Une baguette, une bouteille, un béret
Pas de fusil contre les sangliers à poils roux
Pas de lumière pour nous guider dans le black-out
Il nous fallut cent mètres pour commencer à périr
Le premier d'entre nous se fit tout de suite engloutir
L'autre mourut, il ne restait plus que moi
Il faut dire que nous étions trois
Et j'ai couru, couru pour échapper aux morfals
Et je suis arrivé devant ton gîte rural
Et toi, ma belle Anglaise qui m'ouvrit sans façon
M'assurant le couvert, le gîte et puis la cuisse
C'est nu sur ton grand lit que vérité s'abat
Et je me dis tout bas, en fumant ma gauloise
"Bénis soient les Anglois et leurs belles Angloises"