24 Heures

Erwan LE GOFF

Premièrement, j'écris ce texte à l'arrache
Gravez le sur ma tombe, mon dernier port d'attache
Deuxièmement, j'lègue mon matos à ma fille
Du sampler, au clavier jusqu'au dernier fil
Chérie, écoute et étudie chaque son
Sache que faire d'la zic était mon érudite passion
Pour poursuivre dans cette voie ta maman t'aidera
Elle te chantera un titre chaque soir en bordant tes draps
Sur tes épaules une lourde tâche
Un nouveau rôle qu'il ne faut pas que tu lâches
Mais n't'en fais pas, t'as les bons chromosomes
L'ADN de ceux qui déchirent au chrome en somme
Pour l'heure, place à notre road movie
Mustang décapo', 220 chevaux t'oublies
L'autoroute et son asphalte monotone
J'veux faire rugir les 2 tonnes au milieu des feuilles d'automne

24 Heures à vivre, le poids des années mis de côté
24 Minutes à vivre, j'garderai d'la vie que sa beauté
24 Secondes à vivre, s'resserre l'étau avec cruauté
D'ici là j'dois survivre, le temps écoulé il faut sauter

La faucheuse n'en manque pas une miette
Heureuse, elle a lu l'épilogue dans ses amulettes
Elle possède le sablier d'ma vie, qui s'égraine, diminue
Rien ne freine, n'atténue, l'érosion des individus
J'embarque ma petite famille, direction l'océan
Par les petites routes uniquement en longeant en gros les champs
M'éloigne de la capitale, une météo favorable
J'traverse par les nationales la France en décapotable
Arrivé à bon port, j'remplis mes poumons d'air marin
L'air de rien, la peur s'cache bien sous mon air taquin
Ma femme ignore encore la raison de cette virée
Elle me dit t'es un homme mort si jamais t'es viré
Et je ris sur cette plage car j'ai pu tromper l'destin
Dans l'eau je nage, imaginant un gros festin
Les heures fuient, m'enferment tels des barreaux d'prison
Les couleurs vives deviennent ternes, l'astre fuit à l'horizon
Il est 20h, la nuit tombe, sombre et glaciale
La puanteur du trépas de papa devient palpable

24 Heures à vivre, le poids des années mis de côté
24 Minutes à vivre, j'garderai d'la vie que sa beauté
24 Secondes à vivre, s'resserre l'étau avec cruauté
D'ici là j'dois survivre, le temps écoulé il faut sauter

Vingt-quatre sont les minutes restantes
Inexorables et lentes
Le compte à rebours est infaillible
Au lieu de stresser je demeure impassible
J' imagine l'au-delà, qu'en penser?
Quelles limites pour quelles lois insensées?
Ma majorité, c'était hier
Années inoubliables comme gravées dans la pierre
L'insouciance de mes errances (Qui) petit à petit tirent leurs révérences
Les souvenirs s'effacent comme ceux d'un papy
Je sens une force sous mes pieds tirer le tapis
Désassembler ce que j'ai bâti?
J'ai tant patienté, les yeux ébahis
Souvent condensée, rarement romancée
Ma vie cadencée, t'invite à danser
Coucher de soleil que la mer taquine
Vue imprenable depuis ma place de parking
D'habitude l'horizon se démarque sur les buildings
Les pavillons, les immeubles et les usines
Mourir là bas? Mon dieu jamais!
Trois minutes, j'dois dire adieu à mes deux femmes
Et à tous ceux que j'aime
J'étouffe, l'air que je tousse me gène

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